Rédaction20 avril 2025
La coopération bilatérale Algéro-américaine dans le domaine énergétique se consolide depuis la signature d’accords commerciaux entre la compagnie pétrolière algérienne « Sonatrach » et la compagnie américaine « Occidental Petroleum Corporation ». Ce partenariat scellé récemment à Houston dans le cadre du Forum Algéro-américain sur l’énergie 2025, porte, selon le communiqué conjoint, sur la dynamisation de l’exploration et de la production d’hydrocarbures en Algérie. En effet, le premier accord vise à encadrer les discussions autour du développement des réservoirs carbonatés, des structures géologiques complexes mais riches en potentiel, qui nécessitent une expertise technique innovante. Le second, est axé sur l’application des technologies EOR, ou récupération assistée du pétrole, afin d’optimiser la production et d’accroître les taux de récupération des ressources déjà en exploitation. Il est clair que ce partenariat commercial s’inscrit dans une volonté commune de moderniser les techniques d’extraction, en exploitant au maximum les capacités des gisements algériens tout en réduisant les pertes énergétiques.
Il est à remarquer que cette collaboration bilatérale s’appuie sur une coopération existante entre les deux entreprises pétrolières, notamment dans le cadre de l’exploitation du périmètre de « Berkine » conjointement avec deux autres partenaires dans le cadre d’un contrat d’hydrocarbures du 19 juillet 2022. Cette extension de la collaboration dénote de la consolidation d’une relation de confiance. Il va sans dire que la politique énergétique de l’Algérie à long terme est de diversifier ses domaines d’interventionen incluant notamment les énergies renouvelables, l’hydrogène, l’efficacité énergétique et la réduction de l’empreinte carbone. Elle vise également à continuer de se positionner comme un fournisseur énergétique fiable, solvable et crédible, capable de répondre aux exigences des marchés internationaux grâce à des infrastructures modernes et à une expérience renforcée dans l’exploration.
Nombre d’observateurs indiquent que du côté américain, d’autres acteurs majeurs comme ExxonMobil, Chevron, Air Products et Hecateportent un intérêt soutenu pour le marché algérien et les perspectives qu’il offre dans un contexte de géopolitique énergétique mondial en pleine mue. En termes d’analyse, en consolidant sa coopération avec le géant américain « Occidental Petroleum Corporation », l’Algérie renforce sa production d’hydrocarbures et envoie, également, un signal fort quant à sa volonté d’attirer des investissements étrangers, de diversifier ses partenariats et d’ancrer son positionnement stratégique sur l’échiquier énergétique mondial. Les secteurs de l’énergie et des mines sont présentement les leviers du développement économique du pays.
En termes d’analyse et comme nous l’avions précisé, à travers divers médias depuis novembre 2024 : « Sous Trump II, Washington consolidera ses liens avec l’Algérie dans le cadre de sa politique Africaine. » En effet, il était utopique de penser que le Président des États Unis, Donald Trump, étaità même de modifier fondamentalement les bases de la politique étrangère des États Unis d’Amérique. Étant conçue aussi bien par la Maison Blanche que par le département d’État, le département de la Défense, le Conseil national de sécurité, et les différentes agences de renseignement, le tout sous les rapports de force et d’influence des différents lobbies, il me semble que le Président Trump lors de cette seconde mandature et sa constellation « MAGA », ne pourra apporter que quelques ajustements pour assoir sa démarche transactionnelle en tenant compte de la nouvelle Ere marquée, particulièrement, par les conséquences de la crise pandémique de Covid 19, par des crises sociétales et communautaires, par des conflits d’intensités variables et par la déclinaison politico-économique qui touchent l’Europe, notamment, et qui s’est matérialisée par le Brexit et par la guerre en Ukraine.Traditionnellement, la conception de la politique étrangère des États-Unis est faite de sorte à centrer la politique de sécurité sur un axe Nord-Sud et à créer une zone américaine de coopération, incluant l’Amérique latine, la Sibérie, l’Océanie et une partie de l’Afrique. Au travers du décryptage des différents discours politiques, nous pourrions comprendre que la sécurité nationale n’est plus pensée en termes stricts de calcul militaire. Sachant que la prérogative d’une puissance influente est de pouvoir gérer son environnement externe, les sources de la force et de l’influence américaine sont au nombre de 4: puissance militaire, influence diplomatico-culturelle, indépendance relative en ressources naturelles, compétitivité dans le commerce international. De ma perspective, en ce qui concerne les deux premières sources, les États Unis d’Amérique continueront à montrer leur volonté d’utiliser leur force militaire, ce qui consolidera l’influence diplomatique. Nous dénommerons «smart power» cet équilibre relatif entre le «soft power» et le «hard power». Quant aux deux dernières sources, elles visent la reconquête par la stratégie du « circumscribed engagement ». Ceci étant dit, les États-Unis devraient concentrer leur activité de politique étrangère et leurs entreprises économiques et commerciales dans une « zone de coopération » définie par deux sous-ensembles, le «bloc hémisphère occidental» et «l’aire d’intérêt spécial». Le premier correspond à l’ensemble du continent américain et le second correspond à l’Afrique. Le «bloc hémisphère occidental» constituerait un contrepoids commercial face à la Chine, l’Europe et le Japon par l’encouragement du partenariat stratégique en augmentant l’approvisionnement des Etats-Unis en minerais critiques (terres rares) à partir de l’Amérique latine. L’aire d’intérêt spécial, considérée comme proche du bloc, est choisie pour ses ressources naturelles et sa complémentarité sur le plan économique.Dans la vision stratégique américaine, le bloc hémisphère occidental pourrait présenter à l’Afrique une alternative au partenariat traditionnel de l’Europe.
Toutefois, les deux derniers accords énergétiques signés récemment entre les Etats-Unis et l’Algérie confortent l’attitude américaine envers l’Afrique qui sera incontestablement observée par l’Administration Trump II. Comme nous l’avions déjà mentionnés depuis novembre 2024, il est indéniable que l’intérêt des Etats-Unis pour l’Afrique augmenterait au fur et à mesure que l’Europe abandonne ce qui est considéré comme étant sa «chasse gardée», mais surtout pour contenir la propension de la Chine, l’Inde et la Turquie, lesquels combinent la diplomatie économique, commerciale et sanitaire, et la diplomatie de réseautage (networking diplomacy).Il y a lieu de considérer que dans la vision géoéconomique américaine, l’Europe et le Japon sont des concurrents relatifs, mais la Chine est un rival certain. L’alliance stratégique renforcée avec le Royaume-Uni, à l’issue du Brexit et le développement futur d’une relation d’exception avec la Russie autour de la question transactionnelle pour la cessation des hostilités en Ukraine ne feront que consolider cette démarche. Concernant les priorités géostratégiques des Etats-Unis en Afrique, elles sont d’abord de s’assurer une possibilité de projeter leur puissance et de ce fait disposer de bases. Comme les États Unis dépendent de la liberté et de l’ouverture des voies maritimes ainsi que d’une puissante flotte de haute mer pour leur approvisionnement en matières premières et leur vitalité économique, ils seront toujours concernés par l’accès aux ports et le passage des détroits. Par conséquent, l’attention sera concentrée sur les quelques pays africains sous le parapluie d’une coopération globale et dont le poids se fait ressentir en matière de production de pétrole, de gaz et de minerais, de lignes de communication maritime et de prolifération d’équipements militaires. Il s’agit dans ce cas, notamment d’abord de l’Algérie, du Kenya, du Congo, du Zimbabwe, du Nigeria, de l’Ethiopie, puis de la Libye, et de l’Afrique du Sud.
En somme, les récents accords énergétiques signés entre l’Algérie et les Etats Unis d’Amérique et qui, incontestablement, seront suivis par d’autres, indiquent clairement que Washington poursuivra la consolidation de ses relations bilatérales sous la présidence de Trump II compte tenu du poids régional et de la posture diplomatique de l’Algérie. Ceci est surtout conforté par l’engagement indéfectible de l’Algérie dans la lutte contre les organisations extrémistes violentes (VEO) et les organisations criminelles transnationales (TCO) dans l’espace sahélo-saharien et ses efforts dédiés à promouvoir la stabilité dans la région par des processus de dialogue et de réconciliations politiques inclusifs qu’elle ne cesse de défendre.De plus, les relations économiques, notamment, dans le secteur de l’énergie, entre l’Algérie et les États Unis d’Amérique qui ont traditionnellement été fluides constituent un élément de convergence sur le long terme du fait que le Président Trump ne compte pas se détourner du développement des énergies fossiles.
Par voie de conséquence, nous pouvons affirmer que la relation Algéro-américaine est en continuité stratégique dans un monde en pleine mue. L’Algérie représente donc un partenaire de choix pour les Etats Unis d’Amérique dans cette « Aire d’intérêt spéciale » Afro-méditerranéen.
18.4.2025 / Dr. ArslanChikhaoui, Expert en Relations Internationales et membre du Conseil Consultatif d’Experts du World Economic Forum et membre du comité d’experts ‘Track-2′ du système des Nations Unis (UNSCR-1540)