La France et l’Algérie traversent la pire crise de leur histoire, et aucune figure de médiation ne semble émerger, comme c’est le cas d’habitude, pour éteindre l’incendie. Cette crise se nourrit d’une terrible ignorance sur les évolutions de l’Algérie contemporaine. Comme Franco-Algérienne, je suis sidérée par la violence du ton employé, et pour tout dire assez peinée du tour que prennent les choses. Ces discours extrémistes, franco-français, désignent au fond les Algériens de France et les binationaux comme une cinquième colonne prête à toutes les duplicités, dont il faudrait se méfier.
Nous sommes des citoyens des deux rives, des citoyens de plein droit, riches de nos compétences, des langues que nous parlons, des cultures que nous partageons. Nous avons reçu en héritage cette histoire de migration inscrite dans une histoire coloniale.
C’est un legs difficile à assumer : les Algériens assument cette mémoire traumatique avec résilience, en toute discrétion, loin des instrumentalisations d’une certaine rhétorique anticoloniale par un régime en mal de légitimité. L’histoire coloniale est tramée par la violence : les protagonistes eux-mêmes ont revendiqué cette violence.
S’adosser au ressentiment est stérile : cette histoire en partage, même avec ses malheurs, même avec cette violence, pourrait au contraire déboucher sur un avenir commun, sur des projets, sur des circulations confiantes, sur des coopérations mutuellement avantageuses. L’Algérie est le pays avec lequel la France a le plus à partager. Les Algériens n’ont qu’un souhait : tourner la page. Comment serait-ce possible, quand en France, des responsables politiques veulent rejouer la guerre, avec la réactivation d’un roman national archaïque et imbécile, mobilisant la nostalgie d’une grandeur coloniale perdue ? Laisser la relation franco-algérienne aux mains de la droite extrême et de l’extrême droite est dangereux. Le silence d’Emmanuel Macron, qui observe sans rien dire son ministre de l’Intérieur se comporter en chef de la diplomatie, est irresponsable.